Vocabulary and reading comprehension: what are the links in 7 to 10 year-old children?

Articles scientifiques

Dujardin E., Ecalle J., Auphan P., Bailloud N., Magnan, A. « Vocabulary and reading comprehension: what are the links in 7 to 10 year-old children? », Scandinavian Journal of Psychology, 64, 582–594, 2023

Résumé :

Les objectifs de la présente étude sont, d’une part, d’examiner la contribution du vocabulaire à la compréhension de la lecture dans le modèle Simple View of Reading (SVR) chez des enfants francophones âgés de 7 à 10 ans sur la base d’un indice d’efficacité (indice vitesse-précision). D’autre part, il s’agit de comprendre si la contribution du vocabulaire à la compréhension en lecture peut changer en fonction du niveau scolaire de l’enfant. Les mesures de la profondeur du vocabulaire, de la lecture de mots (c’est-à-dire des trois niveaux de représentation des mots, à savoir l’orthographe, la phonologie et la sémantique) et de la compréhension orale et écrite ont été collectées à l’aide d’évaluations informatisées. Les auteurs ont examiné la contribution du vocabulaire dans deux groupes contrastés : un groupe plus jeune composé d’enfants en CE1-CE2 et un groupe plus âgé composé d’enfants de CM1-CM2. L’analyse a révélé que le vocabulaire est un facteur distinct de la lecture de mots, de l’écoute et de la compréhension de la lecture. En outre, les résultats ont montré que la lecture de mots et la compréhension orale étaient des médiateurs à part entière de la relation entre le vocabulaire et la compréhension de la lecture. Par conséquent, le vocabulaire a un effet indirect, via la lecture de mots, sur la compréhension de la lecture dans les deux groupes. Enfin, la lecture de mots a eu un effet plus important sur la compréhension de la lecture que sur la compréhension linguistique dans les deux groupes. Les résultats suggèrent que la lecture de mots joue un rôle central dans la compréhension de la lecture et qu’elle est soutenue par l’influence du vocabulaire.

Synthèse :

Cette étude a pour objectif d’examiner la contribution du vocabulaire à la compréhension en lecture d’enfants francophones âgés de 7 à 10 ans selon le modèle Simple View of Reading (SVR). Ce modèle considère que la compréhension en lecture est le produit de deux composantes : le décodage (la lecture de mots) et la compréhension linguistique (qui peut se référer à la compréhension orale). Des recherches antérieures ont tenté de définir et de préciser le rôle du vocabulaire dans le modèle SVR : certaines considèrent que le vocabulaire fait partie des compétences de décodage et de compréhension linguistique quand d’autres estiment qu’il constitue un facteur indépendant dans la compréhension de la lecture. Les auteurs ont choisi de compléter le modèle SVR avec le facteur du vocabulaire pour mieux comprendre le processus complexe de compréhension en lecture et de mettre en perspective ses configurations avec le décodage et la compréhension linguistique. Ils ont également élaboré un indice d’efficience qui combine à la fois la vitesse et la précision de la réponse donnée : la connaissance d’un mot est en effet importante mais la rapidité à laquelle l’enfant accède à cette connaissance l’est tout autant. Le rapport entre le temps de réponse moyen et le nombre de réponses correctes indique ainsi l’efficacité de la compréhension en lecture.

L’hypothèse de départ considère que le décodage contribuerait davantage à la compréhension en lecture chez les jeunes enfants (CE1-CE2), tandis que la compréhension linguistique serait prépondérante pour les plus âgés (CM1-CM2). Le vocabulaire serait, lui, un facteur indépendant dans la compréhension de la lecture. Les auteurs ont également cherché à savoir si la contribution du vocabulaire évolue en fonction du niveau scolaire des élèves. Etant donné que le décodage devient plus automatisé et que le vocabulaire augmente au fur et à mesure que les élèves progressent dans leur scolarité, les auteurs supposent que la contribution du vocabulaire à la compréhension en lecture augmente chez les enfants plus âgés, au détriment du décodage.

243 élèves francophones ont été évalués par le biais de tâches informatisées dans des écoles primaires urbaines de l’Est de la France, dans des classes de CE1, CE2, CM1 et CM2. Cette étude a mesuré les composantes de la qualité lexicale (qui comprend 3 niveaux de représentation des mots : orthographique, phonologique, sémantique) impliquée dans la compréhension de la lecture. Les tests portaient sur l’identification des mots écrits, la connaissance du vocabulaire (propriété des mots et catégorie sémantique) et la compréhension de l’oral et de l’écrit (recherche d’informations textuelles explicites et inférences liées au texte ou basées sur les connaissances).

Plusieurs résultats ont été mis au jour. D’abord, les enfants plus âgés (CM1-CM2) ont obtenu de meilleurs résultats que les plus jeunes (CE1-CE2). Cette étude a également montré le rôle central du décodage dans la compréhension de la lecture : dans les deux groupes plus jeunes et plus âgés, la lecture de mots contribue davantage à la compréhension en lecture qu’à la compréhension linguistique. Comme dans l’hypothèse de la qualité lexicale, plus la lecture de mots est maîtrisée (et que le lien entre les composantes orthographiques, phonologiques et sémantiques est fort), plus la compréhension en lecture est efficace. Le décodage est donc une source importante de différences en compréhension de la lecture et apparaît comme un facteur important pour identifier les difficultés de compréhension chez les enfants. D’autre part, l’étude a montré que le vocabulaire est un concept différent du décodage, de la compréhension linguistique et de la compréhension en lecture. Ces composantes apparaissent comme quatre facteurs distincts dans le modèle SVR en français. Cependant, il existe un effet indirect du vocabulaire, via le décodage et dans une moindre mesure la compréhension orale, sur la compréhension en lecture chez les plus jeunes et les plus âgés. Ce constat est cohérent avec les études récentes qui ont montré que le vocabulaire influence indirectement la compréhension en lecture dans tous les aspects du langage oral et du décodage : plus les enfants connaissent les mots avec précision, meilleures sont leurs performances en décodage et en compréhension linguistique. L’influence du vocabulaire diffère tout de même selon le niveau scolaire des élèves. Contrairement à l’hypothèse formulée, le vocabulaire n’a pas d’effet plus important que le décodage sur la compréhension en lecture des enfants plus âgés (CM1-CM2). Ce résultat confirme tout de même les études antérieures qui montrent que le vocabulaire agit sur la compréhension en lecture par l’intermédiaire du décodage. De la même façon, la compréhension linguistique n’a pas d’effet indirect sur la compréhension en lecture, tout comme le décodage n’a pas d’effet indirect, via la compréhension linguistique, sur la compréhension en lecture.

Pour finir, les auteurs évoquent les limites de l’étude menée. Ils soulignent l’importance de la mesure des compétences en vocabulaire : les processus de réponses ne sont pas les mêmes selon qu’on soumette aux enfants des images et questions à choix multiples ou des questions ouvertes, ou encore selon qu’on mesure la profondeur du vocabulaire (définition) ou l’étendue du vocabulaire (nombre de mots connus). Il est en effet plus difficile de donner la définition d’un mot que de faire correspondre ce mot à une image. Il faut ainsi considérer cette distinction entre profondeur et étendue du vocabulaire pour mieux comprendre leur contribution à la compréhension en lecture. Enfin, les auteurs ne disposaient pas d’informations sociodémographiques des élèves : les domaines cognitifs, écologiques (familial, scolaire) et psychologiques (motivation, intérêt) jouent pourtant un rôle dans les performances en lecture des enfants.

A lire sur le même sujet :

Ø  Dujardin E., Ecalle J., Auphan P., Gomes C., Cros L., Magnan A. « Vocabulary assessment with tablets in Grade 1: Examining effects of individual and contextual factors and psychometric qualities. », Frontiers in Education, 2021.

Ø  Ecalle J., Dujardin E., Gomes C., Cros L., Magnan A. « Decoding, Fluency and Reading Comprehension: Examining the Nature of their Relationships in a Large-Scale Study with First Graders », Reading & Writing Quarterly, 37:5, 444-461, 2021.

URL :

https://doi.org/10.1111/sjop.12912

Mots-clés :

vocabulaire, compréhension de la lecture, décodage, CE1, CE2, CM1, CM2

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