Renforcer l’aide à l’apprentissage de la lecture
Les constats
Maîtriser la lecture est au fondement d’un parcours scolaire réussi, une compétence à la base de tous les autres apprentissages. Pourtant, en CM1, les élèves français comprennent moins bien ce qu’ils lisent que leurs camarades des autres pays de l’Union européenne.
La France se situe même dans le trio de fin de classement de l’étude internationale de référence dans le domaine (PIRLS 2021).
Ces difficultés se manifestent en réalité très tôt dans la scolarité. En fin de CP, un élève est censé pouvoir lire de manière fluide à un rythme de 50 mots lus par minute (d’après les programmes de l’Éducation nationale) : mais en réalité, un tiers des élèves sont toujours en grande difficulté de décodage et lisent à un rythme inférieur à 30 mots par minute, et 10% des élèves ne parviennent même pas à lire plus de 10 mots par minute. Parmi les élèves les plus fragiles scolarisés en éducation prioritaire, plus de 40% des élèves sont en difficulté dans ces domaines.
Ces difficultés initiales en lecture persistent trop souvent tout au long du parcours scolaire : en sixième, près de la moitié des élèves ont toujours une lecture hésitante, c’est-à-dire qu’ils ne lisent pas de manière suffisamment fluide, ni ne comprennent le sens de ce qu’ils lisent. Et ce sont les élèves les plus fragiles socialement qui sont les plus exposés à ces difficultés.
En éducation prioritaire, 1/3 des élèves de 6ème n’a pas le niveau de fluidité de lecture attendu en CE2, soit deux fois plus que pour les autres élèves au niveau national (DEPP, Évaluations 6ème, novembre 2023).
La maîtrise de la lecture est la première des inégalités scolaires. Ne pas savoir lire correctement compromet trop souvent l’avenir scolaire à l’avance, tant les liens sont étroits avec les autres disciplines. Mais c’est aussi un frein dans la vie sociale, pour l’insertion professionnelle, pour exercer ses droits de citoyen. Il s’agit d’un enjeu de société majeur. Plus d’un jeune Français sur dix entre 16 et 25 ans est en grande difficulté de lecture, la moitié d’entre eux sont même en situation d’illettrisme (DEPP, NI 23.22 – juin 2023).
L’acquisition des compétences langagières et du lexique commence très tôt, et la maîtrise de la langue se travaille et s’enrichit à mesure qu’on la pratique, mais c’est vers 5-6 ans, notamment en classe de CP, que démarre l’apprentissage décisif des mécanismes permettant de lire de manière efficace.
Apprendre à lire passe par l’acquisition de compétences particulières qui permettront de renforcer l’aide à l’apprentissage de la lecture.
– La conscience phonologique (c’est-à-dire la capacité d’identifier les sons),
– Le décodage (la connaissance et la manipulation des lettres et de leurs sons pour former des syllabes et des mots), qui doivent être suffisamment automatisés et fluides,
– La compréhension autonome du sens de ce que l’on lit,
– L’enrichissement du vocabulaire.
De nombreux élèves fragiles en Grande section de maternelle arrivent en CP sans conscience phonologique. Si cette première compétence nʼest pas suffisamment développée, il est par la suite compliqué d’apprendre le code alphabétique, puis d’atteindre une vitesse de lecture satisfaisante pour devenir un lecteur autonome. Quand on lit moins vite, on lit moins, on apprend moins de vocabulaire, ce qui limite l’accès au sens des textes. Or, le plaisir de lire naît de la compréhension de ce que l’on lit.
C’est donc dès ces premières années décisives pour les apprentissages que l’action en direction des élèves les plus fragiles doit être la plus résolue pour enrayer la spirale de l’échec scolaire. Pour apprendre à lire, la prévention est plus efficace que la remédiation.
Grands principes du projet « lecture »
Mener le combat avec les armes de la science et pas seulement celles de la volonté afin de renforcer l’aide à l’apprentissage de la lecture.
Le projet « Lecture » développé par Agir pour l’École avec des chercheurs spécialistes en psychologie cognitive et en sciences de l’éducation de l’université de Lyon 2 s’inspire notamment des expériences réussies de Michel Zorman, médecin au Centre de référence des troubles du langage du CHU de Grenoble et membre du laboratoire de sciences de l’éducation à l’Université de Grenoble, et de son programme « PARLER » de prévention précoce des acquisitions du langage au bénéfice des enfants défavorisés.
Son objectif : mettre à disposition des enseignants des ressources et un protocole pédagogiques performants et adaptés à la réalité de la salle de classe, permettant aux élèves d’apprendre à lire de manière efficace les compétences clés pour savoir lire.
Le projet « lecture » repose sur 3 grands principes :
La progressivité
Centré sur les apprentissages réalisés en CP, il couvre le travail des compétences débuté en Grande section de maternelle et consolidé jusqu’en CE1, selon une progression structurée et explicite.
Les élèves doivent d’abord apprendre les sons, puis travailler sur les syllabes et les mots. Lorsque l’aisance est suffisante, la lecture de textes et la vitesse de lecture deviennent la priorité. Le passage à la compétence suivante s’effectue une fois que la précédente est maîtrisée afin d’assurer des fondations solides.
Cette progressivité est essentielle, car l’enfant ne peut pas assimiler toutes ces compétences simultanément.
La différenciation pédagogique
L’enseignant travaille successivement avec des petits groupes de 4 à 6 élèves pendant une durée de 30 min, pendant que le reste de la classe s’entraîne en autonomie.
Par exemple, à partir des applications pour tablettes numériques développées par Agir pour l’École et dotées de reconnaissance vocale, permettant la manipulation des sons, la découverte des lettres, la lecture de mots, de phrases et de textes de plus en plus longs et complexes, et des jeux de compréhension.
Pour s’adapter aux besoins de chaque élève et lutter efficacement contre les inégalités, les élèves sont regroupés en groupes de besoins. L’enseignant est invité à consacrer plus de temps aux élèves les plus fragiles (deux séances de 30 minutes par jour contre une séance tous les deux jours pour les élèves les plus avancés).
De courtes évaluations de pilotages sont réalisées tout au long de l’année pour aider l’enseignant à organiser les groupes, à suivre leur progression et à adapter l’enseignement aux besoins des élèves
Optimiser le temps d’apprentissage
Ce projet propose aux enseignants une organisation spécifique de la classe et de l’emploi du temps permettant de mettre en œuvre des séances intensives et régulières, dans le cadre horaire prévu par les programmes.
Grâce à cette organisation, chaque élève dispose de plus de temps d’engagement individuel dédié à l’apprentissage de la lecture.
Pour apprendre à lire, un élève de CP aurait besoin d’au moins 30 heures d’engagement sur l’année, pendant lesquelles il est sollicité directement et individuellement sur une activité précise, comme de la lecture à voix haute. Or, dans une classe entière, l’interaction avec l’enseignant est en réalité limitée à quelques minutes par jour (Suchaut, 2014). Le projet « Lecture » permet ainsi de donner à chaque élève le temps suffisant pour s’entraîner avec l’enseignant, par exemple à décoder et à pratiquer l’assemblage des syllabes de plus en plus rapidement. La répétition est indispensable, car elle permet l’appropriation des compétences et l’automatisation de ces mécanismes.
Un enfant passe 864 heures en moyenne par an à l’école : aucun programme périscolaire ne peut rivaliser avec cette amplitude horaire, et le traitement de la difficulté scolaire ne peut être renvoyé au soutien scolaire privé ou familial au risque d’accroître les inégalités. C’est bien en classe qu’il faut intervenir en priorité.
La France consacre chaque année plus de temps à l’enseignement de la langue et de la lecture que les autres pays européens, mais enregistre de moins bons résultats, notamment parce que des stratégies d’apprentissage de la lecture sont mises en œuvre plus tôt dans d’autres pays : l’enseignement systématique du décodage, la différenciation pédagogique, ou le travail autonome des élèves.
Évaluation du projet
En 2019, une étude menée auprès d’élèves de CP en éducation prioritaire a confirmé que cette approche permet d’enregistrer de réelles améliorations et ainsi de renforcer l’aide à l’apprentissage de la lecture.
L’étude a été réalisée par des chercheurs du Laboratoire EMC (Étude des Mécanismes Cognitifs – EA 3082) de l’Université Lyon 2, au cours de l’année scolaire 2015-2016, auprès de 2 803 enfants en classes de CP en REP et REP+.
Son objectif était de comparer les résultats obtenus par une cohorte de classes témoins aux résultats d’une cohorte de classes suivant le programme d’Agir pour l’École. Le groupe expérimental a suivi le programme « Lecture”. Le groupe contrôle a suivi son approche habituelle. Les compétences en pré-lecture et lecture de l’ensemble des élèves ont été évaluées au début (t1) et à la fin (t2) de l’expérimentation, au même moment pour tous.
A la fin de l’année scolaire 2015-2016, le groupe expérimental ayant appris à lire avec le projet « Lecture » a obtenu des résultats significativement meilleurs que le groupe contrôle en orthographe, en fluence et en compréhension écrite. Les élèves faibles du groupe expérimental ont ainsi rattrapé 30 % de leur retard en compréhension écrite par rapport aux élèves moyens du groupe contrôle. Dans le groupe expérimental, les enseignants ont respecté rigoureusement la progressivité du protocole : d’abord l’apprentissage des sons (phonologie), puis le travail sur les syllabes et les mots. Lorsque l’aisance est suffisante, la lecture de textes et la vitesse de lecture (fluence) deviennent la priorité.
Les élèves plus fragiles ont rattrapé 30% de leur retard en compréhension écrite par rapport aux élèves moyens des classes qui ont suivi un enseignement habituel, alors qu’aucun exercice ne ciblait particulièrement la compréhension : selon les chercheurs, l’entraînement à la fluence explique un tel résultat
LES OUTILS PAPIER
La phonologie
Module 1 - Du son à la lettre
Il se compose de 5 compétences clés :
- Repérer les 2 syllabes composant un mot
- Repérer les 2 sons composant une syllabe
- Comprendre que chaque lettre correspond à un son
- Associer/dissocier 2 sons pour former une syllabe
- Connaître les 10 lettres les plus fréquentes et leurs sons et manipuler des syllabes simples composées de ces lettres
Entre chacune des compétences, un test (présent dans le module) est à réaliser afin de s’assurer que chacun des élèves a bien acquis la notion précédemment étudiée. Un bilan est également présent en fin de module pour clore l’apprentissage de la conscience phonologique.
Les enseignants pourront retrouver au sein de ce module des outils complémentaires venant asseoir les gestes professionnels : des conseils indiqués à chaque moment clé, des idées d’activités en autonomie, des cartes lettres (chacune des 10 lettres dans toutes leurs écritures, à découper), ainsi que des syllabes composées et les référents des sons étudiés à afficher dans votre classe.
Le code alphabétique
Module 2 - De la lettre au mot
Il se compose de 3 niveaux :
- Apprendre et manipuler les 10 lettres
- Lire des mots simples avec les lettres apprises, accélérer la vitesse de lecture de ces mots
- Apprendre toutes les lettres et lire des mots plus complexes, des phrases : amélioration de la fluence de lecture
Ce module se caractérise par un apprentissage structuré et progressif de la fluence de lecture et des mots outils à partir du deuxième niveau et se complète de l’ensemble des référents des graphèmes sous forme d’affiches.
Entre chaque niveau, comme pour le Module 1, des tests permettent de vérifier l’acquisition des compétences abordées.
La fluence de lecture
Module 3 - Du mot au texte
CIl se compose de 3 livrets, qui correspondent chacun à un niveau d’avancement croissant.
- Niveau 1 : des textes de 25 à 55 mots
- Accélérer la vitesse de lecture pour lire des textes de 50 mots en environ 1 minute
- Acquérir les derniers graphèmes encore inconnus
- Commencer à respecter les signes de ponctuation et les liaisons
- Comprendre le sens des phrases déchiffrées
- Niveau 2 : des textes de 55 à 80 mots
- Accélérer la vitesse de lecture pour lire des textes de 80 mots en environ 1 minute
- Consolider la connaissance des derniers graphèmes rares
- Maîtriser tous les signes de ponctuation, automatiser les liaisons et commencer à lire des textes de nature variée avec le ton, dès la première phrase
- Niveau 3 : des textes de 80 mots à 130 mots
- Accélérer la vitesse de lecture pour lire des textes de 130 mots en environ 1 minute
- Comprendre des textes de difficulté́ croissante, notamment des extraits de littérature
- Lire avec le ton et le phrasé adéquat dès la première lecture
Pour les trois niveaux, les enseignants pourront s’appuyer sur un tableau de suivi de lecture pour chacun des textes afin de reporter le temps de lecture, le nombre d’erreurs et le MCLM (Mots Correctement Lus par Minute) des élèves et un rappel des règles et/ou spécificités.
La compréhension écrite
La famille Pissenlit (CP/CE1)
acacacCe livret se traduit sous 10 compétences :
- Qui ?
- Où ?
- Quand ?
- Comment ?
- Pourquoi ?
- Pourquoi ? Directe
- Pourquoi ? Implicite
- Anaphores
- Inférences logiques
- Deviner le sens d’un mot
- Réinvestissement
La famille Pissenlit se caractérise par une progression en quatre parties. Tout d’abord, les enseignants aborderont la notion avec leurs groupes d’élèves, pour ensuite les laisser répondre aux questions correspondantes en autonomie, à l’oral et à l’écrit. Enfin, les enseignants pourront valider les connaissances acquises grâce à un test proposé au sein du livret. Des exercices supplémentaires sont inclus pour les élèves qui n’auraient pas complètement acquis une compétence donnée.
La compréhension
Je lis, je comprends Niveau 1 & 2 (CE1)
Les histoires de Monsieur Zanzibar, travaillent en profondeur la compréhension écrite.
Elles se décomposent ainsi :
- Niveau 1 : Explicite
- Niveau 2 : Implicite
Les enseignants retrouveront dans ces modules : 30 à 32 textes, des séances de vocabulaire autour de mots ciblés, un apprentissage en groupe mais aussi en autonomie, ainsi que des questions par thématique en fonction des besoins des élèves.
LES outils numériques
L’association déploie une suite d’applications numériques mises au service de la lutte contre les inégalités d’apprentissage, pour permettre aux enfants d’apprendre en s’amusant en toute autonomie.
Du son au mot
Une application pour tablette permettant aux enfants apprentis lecteurs de 5 à 7 ans de s’entraîner en s’amusant à partir des notions abordées en classe de GS et CP.
Témoignage
Chiffres clés
enseignants nous ont fait confiance depuis notre création
élèves ont appris à lire avec notre méthode de lecture